L’entorse de la cheville est le traumatisme articulaire le plus fréquent : on en recense près de 6 500 chaque jour aux urgences en France. On peut ainsi évaluer qu’il y en a deux fois plus quotidiennement.
Parce qu’elles sont communes et qu’elles font moins peur qu’une fracture, les entorses sont souvent traitées avec négligence. Cependant ce traumatisme demande une prise en charge en kinésithérapie pour une bonne récupération et afin de prévenir des récidives particulièrement fréquentes.
Qu’est ce que l’entorse de la cheville ?
Le plus souvent, l’entorse de la cheville survient lorsque l’on se tord le pied vers l’intérieur (mouvement d’inversion forcée de la cheville) à la suite d’un faux pas (dans un escalier, un creux du sol…) et touchent un, deux ou trois des faisceaux du ligament collatéral latéral (ou ligament collatéral externe) de la cheville.
On parle alors d’entorse externe de la cheville. Elle représente 90 % des entorses de la cheville.
Les entorses du ligament latéral interne ou des ligaments tibio fibulaires sont plus rares surviennent suite à des mécanismes lésionnels différents (éversion de la cheville ou rotation externe du pied sous le tibia).
On distingue trois grades de gravité de l’entorse :
- Grade 1 : Un des faisceaux du ligament latéral externe (ou collatéral latéral) est étiré. Il n’y a ni rupture, ni arrachement. La douleur et le gonflement (œdème) sont généralement modérés. Vous êtes en mesure de bouger votre cheville
- Grade 2 : l’un des faisceaux du ligament latéral externe est déchiré. Un autre faisceau est étiré ou rompu partiellement. La rupture du système ligamentaire est donc incomplète. La douleur est vive. Votre pied ne fonctionne plus correctement. Votre cheville se tord de manière anormale, elle est gonflée et une ecchymose (hématome) apparaît : c’est le signe qu’il y a saignement lié à la déchirure. Vous avez d’ailleurs pu entendre un craquement. Il vous est douloureux, voire impossible de vous appuyer sur votre pied.
- Grade 3 : La rupture de deux ou trois des faisceaux du ligament latéral externe (ou collatéral latéral) est totale. Vous entendez un craquement franc et ressentez une douleur immédiate et violente (pouvant parfois vous faire perdre connaissance). Votre cheville est totalement instable, vous ne pouvez pas la bouger. Un gonflement avec une ecchymose diffus apparaît sur de la partie externe de la cheville et vous ressentez une douleur prononcée à la pression.
Si la cause de l’entorse est accidentelle, on peut noter néanmoins quelques facteurs prédisposants :
- Avoir déjà eu des entorses de cheville
- Présenter un déficit proprioceptif de la cheville
- Présenter un déficit de force des muscles de la cheville
- Avoir une raideur de la cheville en flexion
- Présenter une faiblesse des muscles de la hanche
- Marcher ou courir sur des terrains accidentés
- Utilise des chaussures inadaptées à l’activité sportive (talons)
Les bons réflexes à adopter si vous pensez avoir une entorse de la cheville
Si vous vous êtes tordu la cheville et que vous suspectez une entorse, le bon sens est de mise : rendez-vous uniquement aux urgences s’il vous est impossible de poser le pied à terre immédiatement après l’accident et que vous ne pouvez pas faire 4 pas, que vous avez entendu un craquement prononcé, que la douleur est intense, que le gonflement important et que la cheville déformée.
Autrement, une consultation chez le médecin (ou chez un kinésithérapeute, dans le cadre de l’urgence en cas d’absence d’un médecin) reste nécessaire afin d’évaluer la gravité de l’entorse.
Il est, en effet, important de déterminer :
- le type d’entorse : quel(s) ligament(s) est (sont) atteint(s) ;
- la gravité de l’entorse (simple élongation ou rupture) ;
- les éventuelles lésions associées (par exemple une fracture ou un arrachement osseux).
C’est avant tout par l’interrogatoire et par l’examen de la cheville qu’il peut faire le diagnostic. Il se base sur :
- le mécanisme de la torsion du pied ;
- la notion de craquement audible au moment de l’entorse ;
- l’intensité de la douleur avec capacité de poursuivre ou non ses activités ;
- l’existence de zones douloureuses précises ;
- l’importance et la localisation de l’œdème et de l’ecchymose (hématome).
En se basant sur les critères d’Ottawa et en cas de suspicion de fracture, le médecin pourra prescrire des actes d’imagerie.
Il pourra également vous demander de revenir 3-5 jours après pour vous réexaminer.
En attendant, misez sur sur le protocole POLICE pour :
- Protection: Utilisez une attelle et des béquilles si la pose du pied au sol vous fait mal
- OL : Optimal Loading: commencez la rééducation le plus tôt possible
- Ice : Glacez la cheville si elle est gonflée ou douloureuse à raison de 20 minutes
- Compression: Utilisez un bandage compressif pour éviter le développement d’un œdème important
- Élévation : surélevez le membre lésé lorsque vous êtes assis-e ou couché-e
Attention à l’automédication : l’utilisation d’anti-inflammatoire est remis en question1. Préférez un antalgique comme du paracétamol.
Pourquoi une prise en charge par un kinésithérapeute est nécessaire quel que soit le grade de l’entorse de la cheville ?
Le risque majeur de l’entorse de la cheville même si elle est de grade 1 (entorse bénigne) est la récidive : son taux est particulièrement élevé et peut atteindre 70 % dans une population sportive et peut conduire à une instabilité chronique ainsi qu’à une arthrose précoce de la cheville.
Le rôle majeur de la kinésithérapie est de prévenir ces récidives en évaluant de manière précise et en prenant en charge les déficits fonctionnels associés. Ceux-ci représentent en effet les principaux facteurs de risque de récidives en cas d’absence de rééducation, de rééducation mal conduite ou de reprise trop précoce.
Quelle que soit la gravité de l’entorse, la prise en charge en kinésithérapie doit-être faite le plus tôt possible.
En quoi consiste la prise en charge de l’entorse de la cheville ?
Dans un premier temps, le kinésithérapeute effectue un bilan de l’entorse afin d’évaluer le ou les déficits fonctionnels liés au traumatismes à travers différents paramètres :
- La proprioception de la cheville
- La force musculaire
- L’amplitude articulaire
- L’équilibre postural dynamique
Ceci tout en tenant compte de la douleur, de l’œdème ainsi que de la gêne fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne.
La rééducation en tant que telle dépendra de ce bilan initial.
En phase aiguë, elle pourra d’abord être à visée antalgique (c’est à dire pour diminuer la douleur) pour faire diminuer le gonflement l’articulation et permettre en remise en charge le plus vite possible.
Puis, le kinésithérapeute mettra en place des exercices destinés à restaurer les déficits identifiés afin d’éviter les récidives : équilibre, renforcement musculaire, proprioception …
Le patient doit être acteur de sa rééducation et il importe qu’il s’implique en effectuant à la maison les exercices donnés par son kinésithérapeute et qu’il respecte ses conseils.
Il est important de noter que la disparition de la douleur ne signifie pas que la cheville est guérie. Il reste fréquemment des déficits fonctionnels importants chez les patients.
L’entorse de la cheville : un cas d’école pour l’accès direct en kinésithérapie
Exemple type de traumatologie bénigne nécessitant néanmoins l’avis d’un professionnel de santé et une prise en charge en kinésithérapie, l’entorse de la cheville rentre tout à fait dans l’accès direct que l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes appelle de ses vœux.
Cet accès direct consisterait, pour le patient, à pouvoir consulter un kinésithérapeute en première intention, sans avoir besoin d’une prescription médicale. Après examen, le kiné pourrait soit prendre en charge le patient, soit le réorienter vers un médecin ou un autre spécialiste si le cas ne relève pas de son champ de compétence. À l’hôpital, les kinésithérapeutes pourraient aussi jouer un rôle aux urgences en opérant un premier triage des patients en traumatologie légère. La maîtrise des critères de gravité tels que ceux issu de la conférence d’Ottawa par exemple, doit permettre de pouvoir éliminer la présence de fracture par exemple.
Le corollaire à cet accès direct serait, bien sûr, un droit à la prescription d’actes d’imagerie. Les kinés sont aujourd’hui, dans le cadre de leur cursus, formés à la prescription médicale, à l’imagerie ainsi qu’au diagnostic différentiel. La formation continue devra également suivre. L’essor de l’« evidence based practice », imposant au professionnel une certaine rigueur dans la réflexion et lui permettant de développer une capacité d’analyse fine et de fonder un diagnostic différentiel sérieux, est également partie prenante de la transition qui pourra être opérée avec l’accès direct.
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1 van den Bekerom, M. P., Sjer, A., Somford, M. P., Bulstra, G. H., Struijs, P. A., & Kerkhoffs, G. M. (2015). Non-steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) for treating acute ankle sprains in adults: benefits outweigh adverse events. Knee Surgery, Sports Traumatology, Arthroscopy, 23(8), 2390-2399.
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Sources :
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