Dans son rapport d’activité 2022-2024, publié en avril 2025, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), avec laquelle le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes est lié par une convention de partenariat depuis 2015, souligne qu’« une proportion importante de demandes d’informations et de signalements qui lui sont adressés concerne des dérives thérapeutiques, dont une grande partie présente un caractère sectaire ». Ce constat confirme la nécessité d’une vigilance accrue dans ce champ, en raison de la diversité croissante des pratiques et de leur diffusion massive auprès du public.
Si ce rapport parle des signalements de dérives sectaires, il faut noter que les dérives thérapeutiques (pratiques charlatanesques) sont de plus en plus fréquentes, insuffisamment signalées et susceptibles de causer des dommages corporels qui ne sont pas répertoriés. Si l’augmentation des signalements de dérives sectaires est très importante, que dire alors des dérives thérapeutiques qui se multiplient sur tout le territoire et sur lesquels l’Ordre appelle à la plus grande vigilance, en raison du danger qu’elles peuvent représenter pour la population.
Des saisines toujours plus nombreuses, notamment dans le domaine de la santé
Le rapport fait état de 4 148 signalements et demandes d’informations recensés en 2022, 4375 en 2023 et 4571 en 2024, ce qui représente plus d’un doublement entre 2015 et 2024.
La santé et le bien-être sont les thématiques dominantes (37%) de l’ensemble des signalements et demandes d’informations traités par la MIVILUDES de 2022 à 2024.
Ces chiffres confirment une tendance déjà observée les années précédentes.
La Miviludes indique que « les croyances dans le domaine de la santé sont très présentes et les risques de dérives sectaires sont insuffisamment connus du public. Pourtant, les conséquences peuvent être particulièrement graves : aux risques habituels de rupture avec l’entourage, d’exigences financières exorbitantes et de troubles psychologiques causés par une relation d’emprise, en particulier avec un pseudothérapeute, s’ajoutent des risques de retards de diagnostics, de pertes de chance de guérir, voire de survivre quand la personne souffre d’une maladie grave ». […] Les risques de survenance de dérives sectaires sont nettement plus élevés en cas d’intervention d’un non-professionnel de santé (cf. graphique ci-dessous) que d’un professionnel de santé, titulaire d’un diplôme reconnu par l’État, formé de longues années et soumis à une déontologie et le plus souvent à des sanctions ordinales en cas de manquement (cf. encadré sur la liste de ces professionnels de santé).
De manière générale, les évolutions les plus préoccupantes concernent :
- L’installation de centres de bien-être où peuvent se côtoyer professionnels de santé et intervenants en bien-être sans distinction franche et évidente pour l’usager ;
- La dissémination au sein des hôpitaux des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), avec une banalisation à leur recours, sans nécessairement de mises en garde ou d’encadrement médical ;
- Des préoccupations constantes dans la prise en charge des malades du cancer (qui représente plus de la moitié des signalements en matière de santé) et croissantes dans le domaine de la santé mentale ;
- Une offre en ligne sur les réseaux sociaux de PSNC souvent associée à des escroqueries, fréquemment dénoncées auprès de la mission et des services de la DGCCRF ».
Une coopération institutionnelle régulière et structurée
Depuis 2015, une convention de partenariat lie l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes à la Miviludes.
La Miviludes rappelle dans son rapport d’activité que « les conventions entre la Miviludes et les ordres des professionnels de santé permettent d’assurer en premier lieu un échange d’informations portant sur le nombre, la nature et les caractéristiques des signalements de situations à risque reçus par chacune des parties et portant sur des dérives thérapeutiques sectaires, qu’elles aient été signalées par les ordres, des particuliers, des professionnels de santé ou toute autre personne intéressée.
Leur objectif est aussi de renforcer le rôle que peuvent jouer les professionnels de santé dans la prévention des risques de dérives thérapeutiques à caractère sectaire, en faisant connaître notamment les possibilités de signalement à la Miviludes. Dans le même sens, lorsque les ordres des professionnels de santé reçoivent des signalements, ils peuvent solliciter son expertise sur des phénomènes d’actualité ou des cas individuels.
Enfin, ces conventions sont destinées à assurer l’élaboration commune de messages d’informations et de fiches pratiques sur tous supports de communication (réseaux sociaux, communiqués de presse…) destinés aux professionnels de santé et au grand public ».
Les échanges entre l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes et la Miviludes sont fréquents et les travaux nombreux.
Prévenir les dérives : une mission au cœur de l’action ordinale
La lutte contre les dérives thérapeutiques fait en effet partie intégrante des missions de l’Ordre, à travers le contrôle des pratiques et le rappel des exigences déontologiques : exercice fondé sur des données probantes, transparence des actes, respect du consentement éclairé, interdiction de toute forme d’emprise ou de discours mystique.
L’Ordre poursuit par ailleurs ses actions d’information auprès des professionnels et du grand public pour rappeler les points de vigilance et le rôle essentiel des kinésithérapeutes dans la prévention de ces situations.
Ainsi, un tableau des pratiques illusoires, cité par la Miviludes dans son rapport, est à disposition des kinésithérapeutes et des patients, afin de présenter de façon non exhaustive les techniques non reconnues par le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et signalées comme ayant été dispensées par des kinésithérapeutes.
Ces techniques ne disposent pas de validation scientifique dans le champ disciplinaire de la kinésithérapie et ne sont pas reconnues par le Conseil national (elles ne peuvent pas constituer des spécificités d’exercice, ni des titres d’exercice). Les kinésithérapeutes ne sont pas autorisés à s’en prévaloir, leur utilisation n’est pas autorisée par l’Ordre dans la prise en charge des patients. Elles ont en général fait l’objet d’un rapport par une instance scientifique ou d’une autorité publique, d’une décision prononcée par une chambre disciplinaire qui en ont reconnu le caractère illusoire ou susceptible de l’être.
Que faire si l’on est victime ou témoin d’une dérive thérapeutique ?
Ne restez pas isolé
Parlez-en autour de vous. D’autres personnes ont pu être confrontées à la même situation. Rapprochez-vous des personnes, des associations ou des institutions qui sauront vous conseiller ou vous assister : d’autres proches de la victime, les associations d’aide aux victimes, la Miviludes…
Voir les ressources de la Miviludes en région
Vous pouvez également vous rapprocher du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de votre département.
Ne rompez jamais le lien
Restez toujours en contact avec la personne qui a été happée dans un mouvement sectaire ou qui se trouve sous l’emprise d’un gourou thérapeutique. Même si elle ne vous répond pas ou refuse toute discussion, la poursuite du dialogue et cette « porte ouverte sur l’extérieur » peut un jour lui faire prendre conscience de sa situation et l’aider à s’en sortir.
Ne brusquez pas les choses
La sortie du processus d’emprise mentale est longue et difficile. Il ne faut surtout pas brusquer les choses ni se décourager. Rapprochez-vous des professionnels de santé ou de la psychiatrie pour adopter une conduite adaptée à une situation donnée.