Le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a organisé pour la première fois, le 14 janvier, une cérémonie de vœux à Paris. Aux souhaits exprimés par la présidente, Pascale MATHIEU, ont répondu Yannick NEUDER, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins et Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap.
Entourée des représentants de la profession, Pascale MATHIEU, présidente de l’Ordre, a d’abord eu une pensée pour Mayotte, où les kinésithérapeutes et les autres professionnels de santé poursuivent leur mission auprès de la population dans des conditions difficiles. Puis elle a rendu hommage aux 110 000 kinésithérapeutes exerçant en France, mettant en lumière leur apport dans la prévention, la rééducation et le maintien de l’autonomie des personnes. « Leur rôle va bien au-delà de la simple prise en charge médicale. Dans les cabinets, les hôpitaux, les maisons de retraite ou encore auprès des personnes les plus isolées, ils œuvrent sans relâche pour prévenir les maladies, restaurer les capacités fonctionnelles, et redonner espoir à ceux pour qui la mobilité et l’autonomie sont des combats quotidiens », a-t-elle rappelé.
Le rôle clé des kinésithérapeutes reconnu
En écho à Pascale MATHIEU, les deux ministres ont souligné l’importance des kinésithérapeutes dans le système de soins. « Les 110 000 kinésithérapeutes, je ne pense pas qu’ils soient trop nombreux, je pense même qu’il y a besoin d’en avoir plus » : le nouveau ministre chargé de la Santé a réfuté l’idée que le nombre de kinésithérapeutes en France serait excessif, affirmant au contraire qu’il en faudrait davantage, tant en milieu libéral qu’hospitalier. Alors qu’il était précédemment chef du pôle Thorax vaisseaux au CHU Grenoble Alpes, Yannick NEUDER a mis en avant le rôle de la profession à l’hôpital dans le conditionnement pré-opératoire des patients, les soins post-opératoires et les interventions ambulatoires, insistant sur la nécessité de renforcer le système libéral pour assurer une continuité des soins efficace.
Pour sa part, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap a rappelé un chiffre – en 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans – et souhaité que 2025 soit « l’année du défi du vieillissement et du grand-âge ». Dans ce contexte, le rôle des kinésithérapeutes « est plus que jamais au cœur de notre société, a affirmé Charlotte PARMENTIER-LECOCQ. Les kinésithérapeutes sont les artisans du maintien de l’autonomie, permettant à nos aînés de vivre mieux, chez eux, entourés de leurs proches et dans les meilleures conditions possibles. Il nous appartient collectivement de construire des solutions concrètes ».
Les besoins en kinésithérapie sont donc de plus en plus importants, et la profession est prête à répondre à ce défi. « Notre démographie dynamique, notre rôle de proximité et notre répartition sur le territoire sont une force pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Il est temps que la kinésithérapie occupe enfin la place qui lui revient dans l’organisation des soins », a affirmé la présidente de l’Ordre.
Accès direct : place aux actes !
Il faut désormais transformer les bonnes volontés en actions concrètes, et ce malgré un contexte politique instable. « Il est impératif que cette instabilité ne devienne pas un prétexte pour repousser des réformes nécessaires », a plaidé Pascale MATHIEU. « Il y a eu quatre ministres de la Santé en 2024, on voit bien qu’en quelques mois on ne peut pas faire des réformes structurelles », a confirmé Yannick NEUDER, qui espère pouvoir inscrire son action « dans la durée ».
Le retard pris dans la réforme de l’accès direct aux kinésithérapeutes illustre ces freins. Mais cette situation pourrait bien évoluer en 2025, avec le soutien du gouvernement. « J’ai vraiment la conviction que les kinésithérapeutes sont tout à fait en capacité de recevoir directement les patients, de diagnostiquer leurs besoins, et ensuite de compléter les soins qui leur sont adaptés, qui leur sont nécessaires », a en effet déclaré Charlotte PARMENTIER-LECOCQ (laquelle avait travaillé aux côtés de Stéphanie RIST à l’élaboration de la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé promulguée en mai 2023).
Quant à Yannick NEUDER, il a promis d’avancer sur la concrétisation des décrets d’application : « On va se voir prochainement pour poser les choses et voir les voies de passage potentielles, quand le kinésithérapeute est dans un exercice cordonné ou pas ».
Quelle que soit la forme d’exercice des kinésithérapeutes, la coordination des soins demeure une priorité et la « collaboration entre les ordres professionnels est essentielle pour relever les défis communs et construire un avenir où chaque patient bénéficie d’une prise en charge optimale », selon Pascale MATHIEU, laquelle a rappelé le travail mené collégialement en 2022 au sein du Comité de liaison des institutions ordinales (CLIO) santé.
Formation universitaire : un enjeu d’égalité
Autre grande attente de la profession, l’intégration complète des études de kinésithérapie dans le système universitaire français, qui mettrait fin aux disparités actuelles de financement (certaines formations sont publiques, beaucoup sont privées et à la charge des étudiants) et permettrait une égalité entre les professions de santé.
« La fuite de nos étudiants vers certains pays européens dont la qualité de formation est parfois discutable, qualité dont le contrôle avant d’exercer en France est aléatoire et nettement perfectible, doit cesser », a par ailleurs souligné la présidente de l’Ordre.
Laquelle a aussi souligné la nécessité de la création d’une section ou d’une sous-section dédiée aux « sciences kinésithérapiques » au sein de la section 91 de la Commission Nationale des Universités (CNU), où les kinésithérapeutes sont majoritaires parmi les enseignants-chercheurs, les maîtres de conférences et les professeurs des universités.
Sensible à ce sujet, le ministre chargé de la Santé a évoqué des discussions en cours entre les régions et l’État concernant le financement des études de kinésithérapie, afin d’en garantir l’accessibilité financière pour les étudiants. Il a également indiqué réfléchir à l’intérêt d’une régionalisation de l’accès à ces formations, susceptible d’améliorer la répartition des professionnels de santé sur le territoire.
Encadrement des thérapies alternatives : une question de sécurité
Pascale MATHIEU a exprimé ses préoccupations concernant l’expansion de thérapies alternatives et de médecines complémentaires non régulées, qui représentent un risque pour la sécurité des patients et « s’infiltrent parfois dans des établissements publics de santé ». « Laisser se développer ces pratiques dans un cadre réglementaire flou, c’est exposer des milliers de personnes à des risques inutiles : retards de diagnostic, absence de traitements adaptés, ou encore complications graves dues à des interventions inappropriées », a-t-elle souligné.
La présidente de l’Ordre a donc appelé à « une régulation stricte et immédiate » de ces pratiques, pour protéger la santé publique.
Prévention : les kinésithérapeutes prêts à s’impliquer
Placer la santé publique au premier plan, c’est aussi permettre aux professionnels de jouer pleinement leur rôle en matière de prévention. Les kinésithérapeutes y sont prêts et avaient notamment demandé à pouvoir dispenser les rendez-vous de prévention « Mon bilan prévention », ce qui avait été approuvé en juin 2024 à la sortie du conseil des ministres par un précédent ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Frédéric VALLETOUX, mais non suivi d’effet jusqu’à ce jour.
La nouvelle équipe gouvernementale a témoigné de son intérêt pour le champ de la prévention. Répondre au défi du vieillissement passe « par le renforcement de la prévention à toutes les étapes de la vie, a plaidé Charlotte PARMENTIER-LECOCQ. Il nous faut pouvoir compter sur une politique ambitieuse en matière de prévention et de rééducation adaptée à tous les niveaux, tout en bénéficiant de l’appui de l’ensemble des professionnels disponibles ».
Pour sa part, Yannick NEUDER a proposé d’impliquer davantage les élus locaux dans les campagnes de prévention, arguant que leur proximité avec la population pourrait augmenter l’efficacité des initiatives de santé publique. « On pourrait envisager des équipes entre élus et professionnels de santé pour avancer sur ces sujets-là », a-t-il avancé.
Prendre soin des soignants
Avant de conclure, la présidente de l’Ordre a souligné certains défis liés aux conditions de travail exigeantes des kinésithérapeutes, souvent accompagnées de stress, de fatigue et parfois même d’épuisement. « Ces problèmes partagés par beaucoup d’autres professionnels de santé, trop longtemps ignorés, menacent directement la qualité des soins qu’ils peuvent offrir », a-t-elle alerté.
À cela s’ajoute le phénomène alarmant de l’augmentation des actes de violence à l’encontre des professionnels de santé, qu’elle soit verbale ou physique. « L’Ordre a engagé des actions pour renforcer la prévention et la lutte contre ces violences inadmissibles et je sais pouvoir compter sur l’engagement du gouvernement aux côtés des professionnels de santé sur cet enjeu majeur », a insisté Pascale MATHIEU.
Tout en adressant leurs meilleurs vœux aux kinésithérapeutes, la présidente de l’Ordre et les deux ministres ont tous trois exprimé leur détermination à transformer les ambitions en actions concrètes.