À l’occasion de la journée nationale des aveugles et malvoyants, nous avons souhaité mettre en lumière l’IFMK Guinot de Villejuif en région parisienne qui forme des futurs kinésithérapeutes déficients visuels en vue d’une inclusion professionnelle en milieu ordinaire de travail par le biais d’une formation professionnelle et d’un accompagnement pédagogique.
“Il faut sortir du cliché du déficient visuel qui compense par le toucher. C’est parfois vrai, parfois faux, mais il ne faut pas généraliser.” Le ton est donné : Grégory Guyot, directeur de l’IFMK Guinot qui accueille des étudiants déficients visuels défend une vision radicalement sociale et inclusive du handicap. “Notre philosophie est celle d’une conception sociale du handicap, bien loin de la vision biomédicale et cloisonnée au sein des institutions. Nous nous efforçons de partir non pas du handicap de la personne mais de sa singularité.”
Ce modèle social du handicap n’est ni plus ni moins celui de la convention internationale des droits des personnes handicapées que la France a ratifiée en 2010 et qui peine encore à s’imposer dans les faits.
Dans ce contexte, tout l’enjeu de la formation au sein de l’IFMK n’est pas seulement de permettre aux étudiants d’acquérir la plus grande autonomie possible dans leurs études et in fine dans leur vie professionnelle mais c’est aussi de sensibiliser, d’alerter et d’aider à ce que l’environnement et le milieu s’adaptent et se rendent accessibles en premier lieu.
Concrètement, différents professionnels interviennent au sein de l’IFMK lui-même intégré au sein de l’ESRP Guinot qui est un établissement de formation adaptée : formateurs permanents et formateurs extérieurs en premier lieu, professionnels de l’adaptation et de la locomotion, équipe administrativo-psycho-sociale, tous au service de la formation et du bon déroulement des études.
Chacun des professionnels pourra favoriser l’accès à l’autonomie des étudiants et la mise en œuvre du modèle social du handicap à travers :
- l’apprentissage et l’aide à l’acquisition de stratégies de compensation à la déficience visuelle, notamment au niveau des outils numérique,
- l’apprentissage et l’appropriation de techniques facilitant les déplacements,
- un accompagnement dans la gestion des démarches administratives et sociales,
- la sensibilisation des structures, instances, institutions et milieux professionnels à la déficience visuelle et surtout à l’accessibilité pour tous.
L’accent est mis notamment sur le numérique car la kinésithérapie n’échappe pas à la transformation et aux évolutions numériques impactant le quotidien. “La maîtrise des outils numériques est très importante pour assurer l’autonomie personnelle et professionnelle de nos étudiants.” insiste Grégory Guyot. “Mais il y a un gros travail à réaliser en amont, dès le développement des logiciels métiers et des outils numériques propres à la kinésithérapie, car ceux-ci n’intègrent pas forcément l’accessibilité pour tous, ce qui génère une rupture pour les étudiants et professionnels déficients visuels.”
Parlons de la formation, celle-ci s’adresse tant à des primo-étudiants qu’à des personnes en reclassement professionnel parfois à la suite d’une déficience visuelle acquise tardivement. L’enseignement se déroule sur cinq années scolaires de septembre à juillet à temps plein. Le ministère chargé de la Santé a fixé, par arrêté du 21 décembre 2012, la mise en place d’une « Année spécifique aux études en masso-kinésithérapie pour personnes en situation de handicap d’origine visuelle ». Celle-ci, construite sur le modèle de la première année d’études en santé, permet de poser les premières connaissances fondamentales tout en développant une méthodologie d’apprentissage adaptée. “S’il y a des adaptations en termes de volumes horaires, le référentiel est le même que dans tous les IFMK et les compétences attendues sont les mêmes.” précise Grégory Guyot. “Il y a des cours en commun avec les étudiants de la fac de médecine de Paris-Saclay et, comme au sein de tous les IFMK, nous allons vers l’universitarisation et nos étudiants peuvent s’orienter vers un master et vers de la recherche.”
La formation est constituée d’enseignements théoriques, de travaux dirigés (avec matériels adaptés), de cours pratiques, de temps de travail personnel et de stages cliniques à plein temps.
Les mises en stage ont lieu dans des cabinets libéraux, des services hospitaliers ou des centres de rééducation agréés pour recevoir des étudiants en masso-kinésithérapie et situés dans toute la France. Les étudiants ayant validé l’ensemble des unités d’enseignement et les stages sont autorisés à se présenter aux épreuves du Diplôme d’Etat. Ces épreuves sont passées dans des conditions identiques pour l’ensemble des candidats (milieu ordinaire et déficients visuels). La libre circulation des diplômés offre des disponibilités d’exercice dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne.
Une fois le diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute obtenu (reconnu d’ailleurs cette année grade master), l’exercice professionnel est ouvert aux professionnels déficients visuels dans les mêmes conditions que pour tout professionnel: activité libérale, salariés dans un service hospitalier, un centre de rééducation et toute autre structure de soins.