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Rencontre Guillaume Vassout, kinésithérapeute de l’équipe de France de football

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Nous l’avions déjà rencontré en 2018 lors de la Coupe du Monde de football. Guillaume Vassout nous a une nouvelle fois accordé un moment pour parler du rôle des kinésithérapeutes et du staff médical de l’équipe de France pendant l’Euro.

Interview

Quel est le rôle du staff médical de l’équipe de France et plus particulièrement des kinésithérapeutes ?

Le travail du staff médical commence bien avant le début de la compétition car nous devons nous assurer de la bonne santé de chaque joueur. Le premier travail c’est de retracer les antécédents de blessures de chacun pour, en amont, mettre en place un travail de prévention avant même que le tournoi commence. Nous devons démarrer la compétition avec, en l’occurrence, 26 joueurs « sains. » Il se peut aussi qu’un joueur se soit blessé 3 à 4 semaines avant le début de la compétition. Dans ce cas, un kinésithérapeute va le prendre en charge avant l’arrivée des autres joueurs et ce jusqu’au premier match. Nous assurons la rééducation des joueurs blessés jusqu’au retour sur le terrain avec évidemment les contraintes temporelles imposées par la compétition.

Voilà pour la partie purement médicale. Mais nous avons un autre rôle qui est tout aussi important et qui concerne la logistique : préparation des installations au stade. Pendant une compétition comme celle-ci où on voyage énormément, nous assurons la logistique de l’avion au camion jusqu’à l’hôtel pour préparer le stade d’entrainement jusqu’à ce que les joueurs arrivent… Nous devons anticiper sur tout, décider du matériel que l’on va emporter ou pas, faire un listing de ce dont on dispose, de ce dont on pourrait avoir besoin, mettre en place les chaines d’approvisionnement. Ce n’est pas toujours évident car il y a ce qui a été prévu et la réalité qu’on découvre sur place et qui est souvent toute autre… C’est parfois plus compliqué que le travail médical pour lequel nous avons tous l’expérience nécessaire.

La plupart du temps, on est largement dans le dépassement de fonction. On ne peut pas faire que du médical.. Il y a une notion d’entraide importante pour privilégier avant tout le confort des joueurs et la réussite d’un groupe.

Faites-vous un important travail de prévention ?

C’est assez compliqué car on rentre dans des séries de matches qui vont se jouer tous les 4 à 5 jours et on a assez peu d’espace pour la prévention. C’est l’accompagnement dans la récupération des joueurs qui constitue le gros de notre travail et qui se fait en concertation permanente avec le médecin. Nous sommes 4 kinés et un ostéopathe.

On met quand même en place un travail préventif spécifique à chacun. Avant la compétition on fait le point avec lui sur ses pathologies, son temps de jeu, le nombre de matches joués en le soumettant à un questionnaire qui nous permet d’élaborer un programme personnalisé. On profite de deux premières semaines de préparation pour les autonomiser car on ne pourra pas s’en occuper individuellement tout au long de la compétition, c’est d’ailleurs un travail d’autonomisation et d’éducation thérapeutique qui doit se faire toute la saison plus qu’au moment clé de la compétition. On leur donne les bases d’un travail qu’ils pourront faire seuls… Ensuite on est dans le rappel et le suivi…

Avez-vous une large latitude d’action par rapport au médecin ?

Le médecin a choisi ses kinésithérapeutes. La première qualité que le médecin recherche c’est la confiance et la capacité à communiquer. Un des gros dangers qui nous guettent quand on évolue à un tel niveau, c’est de vite tomber dans une relation trop privilégiée avec les joueurs et d’en oublier la notion de groupe au sein du staff médical. Même si certains joueurs sont plutôt attachés à un kiné, on essaie de minimiser cette exclusivité. C’est comme sur le terrain, le groupe d’abord et ensemble, toujours ensemble.

On a une grande confiance de la part du médecin. Lorsqu’un joueur souffre de telle ou telle pathologie, il dresse le tableau clinique et la stratégie thérapeutique  et nous demande de mettre en place les moyens que nous estimerons les plus efficaces pour que le joueur soit prêt à telle date. Sa décision va être prise en fonction des informations que nous lui donnerons par rapport à notre bilan, notre ressenti, nos échanges avec le joueur. On peut rester de longues heures  avec un joueur et une relation de confiance s’installe, ce  qui nous permet de récupérer des éléments importants par rapport à la prise de décision commune entre le joueur, le staff technique, et le staff médical.

Comment vous organisez-vous ?

On tient un planning de rendez-vous pour les joueurs. On les voit matin midi, après-midi et soir. Nous devons être disponibles en permanence et juste nous organiser pour ne pas avoir trop de joueurs en même temps. Les joueurs peuvent trouver un kiné à n’importe quel moment de la journée.

Idéalement quand le groupe est constitué, on est censé avoir 26 joueurs « sains. » Pourtant certains joueurs attendent parfois d’être en sélection pour se débarrasser d’un bobo qui traine depuis 2, 3 ou 4 mois. C’est valorisant pour nous car cela signifie que nos compétences sont bien reconnues par les joueurs. Quelques fois c’est comme si on faisait un véritable « contrôle technique du joueur »

En sélection s’ils ont besoin de soins, nous sommes en permanence avec eux sur site et ils ont juste à venir nous voir quand ils le veulent ce qui n’est pas toujours le cas en club, puisqu’ils rentrent chez eux la plupart du temps.

En début de séjour nous diagnostiquons et soignons tous les bobos qui trainent, nous finissons des rééducations qui, faute de temps, n’ont pu être menées à termes dans les clubs où, par exemple, les joueurs disputant la Ligue des champions et qui ont privilégié la récupération au soin. Avant la compétition, on est dans le curatif de toutes les petites blessures qu’il y a pu avoir en club.

Après les rencontres, nous sommes dans le curatif pur : on soigne énormément d’hématomes, de contusions, de contractures qui sont parmi les pathologies que l’on traite le plus dans ce type de compétition. Il peut y avoir des lésions musculaires, mais elles n’entreront pas forcément dans le délai nécessaire pour être compétitif à temps dans le délai de la compétition.

Y a-t-il une kinésithérapie spécifique au football ?

Elle est liée au côté humain du footballeur. On est dans un sport de groupe avec une exigence et une intensité importante dues à la fréquence de matches. Il faut savoir s’adapter à la charge de travail que le joueur subit déjà. On sait que bien souvent on a envie d’arriver avec notre bagage d’exercices de prévention et un maximum de choses qu’on a vues dans la littérature. Mais si on n’a pas assez de recul et de lucidité sur le côté humain sur l’adaptation du joueur à la charge de travail qu’il est capable de supporter sinon on ne lui fera rien faire.

Nous devons trouver un équilibre. Le joueur doit me faire confiance afin que je mettre en place les éléments que je veux pour augmenter sa qualité de travail, le corriger, l’autonomiser mais il ne faut surtout pas arriver avec le catalogue trop rigide. C’est spécifique au sport de haut niveau. On a des compétences techniques, mais nous devons les adapter sans cesse afin d’amener le joueur au plus près de ce que l’on veut, de ce qu’il veut et de ce que nous pouvons.