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Covid-19 : La MIVILUDES met en garde contre une recrudescence des dérives sectaires dans le domaine de la santé

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Un essor alarmant tout particulièrement dans le domaine de la santé.

Dans son dernier rapport, la MIVILUDES note un net essor des dérives sectaires, en particulier dans le domaine de la santé, à la faveur de la pandémie de Covid-19.

Une situation à prendre très au sérieux que l’on soit professionnel de santé ou particulier, afin de protéger ses patients et ses proches dans cette période de crise sanitaire.

Qu’est ce qu’une dérive sectaire ?

Il s’agit d’un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes.

Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.

À noter : 

La MIVILUDES insiste bien sur le fait que les dérives sectaires peuvent trouver leur source en ligne, par exemple sur les réseaux sociaux :

Près de 200 témoignages réceptionnés sur les deux dernières années mettent en lumière les mécanismes d’accroche et de captation de l’individu via les réseaux sociaux. L’enfermement cognitif fonctionne en résonance avec l’impact émotionnel d’une nouvelle forme de socialisation et les avantages retirés dans un premier temps, qui modifient progressivement le rapport du sujet à son environnement immédiat. Il y a un glissement de la dépendance aux réseaux numériques à l’exploitation de cette dépendance. La personne est dépossédée de ses compétences et de son autonomie au profit d’un groupe ou d’un individu qui dicte les règles, punit ou récompense.Le phénomène sectaire investit le numérique et les gourous sont devenus des experts en marketing digital, en revisitant de vieilles techniques de manipulation.Se renforce l’hypothèse que l’emprise mentale peut être réalisée dans un contexte d’échanges virtuels. Dès lors que la dépendance dépasse le comportement compulsif de connexion au réseau pour devenir une dépendance à un leader et à un groupe, apparaissent les caractéristiques de l’aliénation : perte de contact avec le réel et autrui, incohérence, impossibilité de contrôler ses actes. Le vecteur numérique favorise l’effacement de la limite entre virtuel et réalité. Éviter de se confronter à la réalité pour se réfugier dans un monde idéal ou réenchanté, construit avec de nouvelles règles, est la première étape.

Il est donc important de ne pas prendre à la légère les comportements d’un patient ou d’un proche autour d’un groupe virtuel, d’une chaîne Youtube, etc.

Covid-19 et essor des dérives sectaires liées à la santé

En 2020, la MIVILUDES a reçu 3 008 signalements et / ou demandes d’information.

686 cas ont été évalués comme sérieux. 16 procédures ont été adressées aux autorités judiciaires. Parmi ces signalements, 80 ont été en lien direct avec la crise sanitaire entre mars et juin 2020 – les chiffres sur le deuxième semestre restaient encore à évaluer au moment de la parution du rapport.

Selon la MIVILUDES, l’essentiel des inquiétudes exprimées dans les signalements a porté sur des propositions en matière de santé : conseils pour se prémunir du Covid-19 et pseudos-remèdes souvent en lien avec des théories complotistes. Les offres d’accompagnement de ceux qui souffrent ou ont souffert du confinement ont également été nombreuses et inquiétantes, car elles s’adressent à des personnes fragilisées et déstabilisées par le contexte anxiogène.

Dans le domaine religieux, le regain d’activité des courants apocalyptiques, qui voient dans la pandémie un signe et une confirmation de l’éminence de la fin des temps, est notable. L’impact que peuvent avoir ces discours jugés simplistes et autoritaires sur des personnes isolées ou angoissées par la crise pourrait engendrer de nouvelles saisines dans les mois à venir. Les discours complotistes sur la pandémie sont très présents sur Internet et les réseaux sociaux. La crise sanitaire sans précédent, suivie de très graves conséquences économiques, ouvre la voie à une crise existentielle et peut conduire certaines personnes à se rapprocher de groupes sectaires qui donnent l’impression de donner du sens aux événements, en véhiculant de fausses informations afin de proposer une interprétation erronée de la réalité et asseoir ainsi leur légitimité et leur pouvoir.

Cette augmentation des déclarations s’inscrit plus globalement dans une tendance constatée depuis 2018-2019 : la santé est aujourd’hui le domaine de prédilection des acteurs d’agissements sectaires.

Ainsi, les signalements dans le domaine de la santé et du bien-être ne cessent d’augmenter, touchant l’ensemble du territoire national. Les signalements visant des offres de soins ne sont pas tous considérés comme des atteintes à la personne ou des troubles à l’ordre public. Néanmoins, certaines pratiques concordent avec la combinaison «idéologie – leader – sujétion psychologique». De fait, les nouveaux pseudo-thérapeutes se basent sur trois idées principales :

  • l’approche médicale et paramédicale ne prendrait pas en compte l’humain dans son ensemble ;
  • la santé publique serait sous l’influence de l’industrie pharmaceutique ;
  • toutes les solutions seraient à trouver dans la nature ou en soi.

Parmi ces nouvelles tendances, la MIVILUDES cite notamment:

  • les stages de jeûnes extrêmes qui peuvent représenter un réel danger pour la santé des individus. Formalisée par l’australienne Ellen Greve, la pratique du jeûne se limite à 21 jours, au-delà desquels il serait possible de se nourrir exclusivement de lumière et d’air. Cette pratique a déjà entrainé une dizaine de décès à l’étranger. Ces 12 derniers mois, elle a fait l’objet de 3 signalements en France et est relayée par une demi-douzaine d’individus.
  • le crudivorisme, promu par Thierry Casasnovas, qui consiste à consommer les aliments crus. La crise sanitaire lui a permis de théoriser ses idées complotistes auprès d’une audience assez large, éloignée du discours public sur la santé (compte près de 523 000 abonnés sur youtube). Il est la personnalité la plus signalée : plus de 600 saisines ont été enregistrées à son encontre, dont 70 en 2020. Une enquête a été ouverte pour mise en danger de la vie d’autrui.

On pourra également noter le développement de mouvements complotistes avec une forte emprise tels de QAnon et de mouvements survivalistes sans oublier l’impact de mouvements religieux se basant sur des principes des grandes religions et des dogmes originaux, certains groupes y ajoutent des perceptions et des concepts qui favorisent un repli communautaire, une atteinte à l’équilibre social, moral, sanitaire et financier.

Comment détecter une dérive sectaire ?

Un certain nombre d’éléments peuvent vous alerter.

Des critères élaborés sur la base du travail accompli par plusieurs commissions d’enquêtes parlementaires ont permis d’établir un faisceau d’indices facilitant la caractérisation d’un risque de dérive sectaire :

  • la déstabilisation mentale ;
  • le caractère exorbitant des exigences financières ;
  • la rupture avec l’environnement d’origine ;
  • l’existence d’atteintes à l’intégrité physique ;
  • l’embrigadement des enfants ;
  • le discours antisocial ;
  • les troubles à l’ordre public ;
  • l’importance des démêlés judiciaires ;
  • l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels ;
  • les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

Un seul critère ne suffit pas pour établir l’existence d’une dérive sectaire et tous les critères n’ont pas la même valeur. Le premier critère (déstabilisation mentale) est toutefois toujours présent dans les cas de dérives sectaires.

Sur la base des signalements reçus depuis une dizaine d’années, la MIVILUDES a précisé le contenu de ces critères de manière à déterminer des signaux d’alerte. Ces signaux d’alerte sont indiqués ci-après à titre d’information. Ils n’ont aucun caractère impératif ou exhaustif et découlent de l’analyse des situations de dérives sectaires transmises à la MIVILUDES. Ils peuvent toutefois aider des victimes, des proches de victimes, des acteurs institutionnels, professionnels ou associatifs, à déceler un risque de dérive sectaire. Plusieurs d’entre eux sont nécessaires pour caractériser une telle situation.

Si vous vous rendez compte des signes suivants chez un patient ou un proche, il est important d’y regarder de plus près :

  • adoption d’un langage propre au groupe ;
  • modification des habitudes alimentaires ou vestimentaires ;
  • refus de soins ou arrêt des traitements médicaux régulièrement prescrits ;
  • situation de rupture avec la famille ou le milieu social et professionnel ;
  • engagement exclusif pour le groupe ;
  • soumission absolue, dévouement total aux dirigeants ;
  • perte d’esprit critique ;
  • réponse stéréotypée à toutes les interrogations existentielles ;
  • embrigadement des enfants ;
  • existence d’atteintes à l’intégrité physique ou psychique ;
  • manque de sommeil.

 

Quelle conduite à tenir auprès d’un proche ou d’un patient si vous le suspectez victime de dérives sectaires ?

Ne restez pas isolé (e)

Parlez-en autour de vous. D’autres personnes ont pu être confrontées à la même situation. Rapprochez-vous des personnes, des associations ou des institutions qui sauront vous conseiller ou vous assister : d’autres proches de la victime, les associations d’aide aux victimes, la Miviludes…

Voir les ressources en région

Ne rompez jamais le lien

Restez toujours en contact avec la personne qui a été happée dans un mouvement sectaire ou qui se trouve sous l’emprise d’un gourou thérapeutique. Même si elle ne vous répond pas ou refuse toute discussion, la poursuite du dialogue et cette “porte ouverte sur l’extérieur” peut un jour lui faire prendre conscience de sa situation et l’aider à s’en sortir.

Ne brusquez pas les choses

La sortie du processus d’emprise mentale est long et difficile. Il ne faut surtout pas brusquer les choses ni se décourager. Rapprochez vous des professionnels de santé ou de la psychiatrie pour adopter une conduite adaptée à une situation donnée.

Comment déclarer une dérive sectaire ?

Saisir la Miviludes : Informer la Miviludes d’une dérive sectaire

Vous rapprocher des associations d’aide aux victimes :

L’ UNADFI

Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes

1 rue du Tarn 78200 Buchelay 01.34.00.14.58

http://www.unadfi.org/

Le CCMM Centre Contre les Manipulations Mentales

3, rue Lespagnol 75020 PARIS 01 43 71 12 31 / 01 44 64 02 40

https://www.ccmm.asso.fr/

L’association alerte faux souvenirs induits (AFSI)

Maison des associations, 11 rue Caillaux 75013 PARIS 06 81 67 10 55

www.afsifrance.org

 Psychothérapie Vigilance

BP n° 2 bis 65290 JUILLAN

www.PsyVig.com

L’ INAVEM

Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation (Réseau d’associations de professionnels de l’aide aux victimes)

08 842 846 37 (Numéro non surtaxé  7 jours sur 7 de 9h00 à 21 h00)

www.inavem.org

Saisir une administration de l’État ou un ordre professionnel

Par exemple, vous pouvez vous adresser par courrier aux correspondants dérives sectaires dans les préfectures, au rectorat, à l’agence régionale de santé, à la direction régionale de l’emploi, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) ou écrire au président de l’ordre professionnel (ordre des médecins, ordres des pharmaciens, ordre des kinésithérapeutes etc.) :

Consultez vos ressources en région

Signaler une infraction pénale à la justice :

Si vous estimez qu’une infraction pénale a pu être commise, vous pouvez directement déposer plainte, par courrier simple, auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de votre lieu de résidence, qui transmettra au besoin au Procureur de la République territorialement compétent. Vous pouvez également déposer plainte auprès de la gendarmerie nationale ou du commissariat de police le plus proche de votre domicile.

Agissements sectaires : Que dit la loi ?

Les dérives sectaires constituent des infractions et sont donc passibles de sanctions pénales. Elles sont en effet associées à des crimes et délits, notamment :

Spécifique : Abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse : art 223-15-2 du code pénal

De droit commun :

Atteintes aux personnes

  • Viol et agressions sexuelles : art 222-22 et suivants du code pénal ;
  • Offre, cession, acquisition ou usage de stupéfiants : art 222-34 et suivants du code pénal et art L3421-1 du code de la santé publique ;
  • Risque causé à autrui : art 223-1 du code pénal ;
  • Imposition de conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne : art 225-14 du code pénal ;
  • Obtention de services pas ou peu rétribués d’une personne vulnérable : art 225-13 du code pénal ;
  • Privation d’aliments ou de soins (mineur victime) :art 227-15 du code pénal ;
  • Non-scolarisation d’un mineur : art 227-17-1 du code pénal ;
  • Non-assistance à personne en péril : art 223-6 du code pénal ;
  • Mise en danger de la vie d’autrui : art. 223-1 du code pénal ;
  • Menaces : art. 222-17 du code pénal ;
  • Atteintes aux biens -Extorsion : art 312-1 du code pénal ;
  • Escroquerie : art 313-1 du code pénal ;
  • Abus de confiance : art 314-1 du code pénal.

Atteintes à l’autorité de l’État

  • Usurpation de titre : art 433-17 du code pénal et L4162-1 du code de la santé publique ;
  • Menace ou intimidation contre une victime pour l’empêcher de porter plainte : art 434-5 du code pénal.

Spécifiques à certains dossiers : 

Santé

  •  Exercice illégal de la médecine : art L4161-5 du code de la santé publique (CSP) ;
  • Exercice illégal de la pharmacie : art L4211-1 et suivants du CSP ;
  • Exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute : art L4323-4 du CSP ;
  • Exercice illégal de la profession de sage-femme : art L4161-3 du CSP.

Travail 

  • Travail dissimulé : art. L. 8221-1 et suivants du code du travail ;
  • Non-déclaration d’un organisme de formation professionnelle : art L6355-1 du code du travail.

Consommation 

  • Pratique commerciale trompeuse : art L121-1 du code de la consommation ;
  • Tromperie sur la qualité substantielle : art du code L.213-1 du code de la consommation.