Portée par l’association Moselle Mouv’, l’initiative consiste à mettre en place de l’activité physique adaptée dans les EHPAD afin d’entretenir les capacités cognitives et physiques des résidents encore autonomes. L’occasion pour des kinésithérapeutes de s’investir dans la prévention et le sport santé (voir nos témoignages).
“Le sport santé, on doit y participer”, s’enthousiasme Charles Lamarche, vice-président du conseil départemental de l’ordre des kinésithérapeutes de Moselle (CDOMK 57) et président de Moselle Mouv’. L’association a été créée par des professionnels de santé – essentiellement des kinésithérapeutes – et des enseignants en activité physique adaptée (APA) pour mettre en œuvre le dispositif d’APA défini par l’article 144 de la loi du 26 janvier 2016 et le décret du 30 décembre 2016. Et ainsi proposer leur expertise et leur accompagnement aux patients mosellans atteints d’une affection de longue durée (ou présentant un IMC > 30), qui bénéficient d’une prescription d’activité physique adaptée par leur médecin traitant.
En 2023, Moselle Mouv’ s’engage dans une action nouvelle avec le soutien du conseil départemental de la Moselle, en faisant entrer l’APA dans les EHPAD. “Après une expérimentation dans trois établissements depuis le printemps, nous nous adressons maintenant à l’ensemble des EHPAD du département”, indique Charles Lamarche. Dans les EHPAD parties prenantes (voir témoignages ci-dessous), l’équipe soignante identifie un groupe de résidents, le médecin coordinateur établit une ordonnance et un kinésithérapeute adhérent de Moselle Mouv’ – intervenant déjà dans l’EHPAD ou non – leur propose dix premières séances d’activité physique adaptée. “L’objectif est de faire bouger des personnes autonomes, ou en fauteuil mais ayant des capacités cognitives, afin d’entretenir leur autonomie, de prévenir les chutes, de créer du lien social dans la résidence, précise Charles Lamarche. Il ne s’agit donc pas de soins de kinésithérapie effectués sur prescription médicale, mais bien de prévention dans le cadre de l’activité physique sur ordonnance”.
De même que les kinésithérapeutes intervenants sont convaincus de l’importance du sport santé et de leur rôle dans son développement, les premiers résidents bénéficiaires des séances d’APA et les équipes soignantes adhèrent à la démarche. “Les premiers retours sont unanimes et positifs”, assure le président de Moselle Mouv’. Au-delà d’une évaluation probablement à mener dans les mois qui viennent (l’évolution du nombre de chutes pourrait être l’un des indicateurs), l’avenir de la démarche sera aussi lié à l’évolution de la participation de l’Assurance maladie dans le sport sur ordonnance. Pour le moment, l’activité physique n’est pas prise en charge dans le cadre de la prévention.
D’après les estimations en 2018 de l’ANDES (Association Nationale des Élus en charge du Sport), la généralisation de la pratique d’activités physiques pour les personnes souffrant d’ALD pourrait générer 10 milliards d’euros d’économies pour la Sécurité sociale. Aujourd’hui, l’APA est encore un traitement trop peu prescrit soit par manque de temps, soit par manque de connaissance de la pratique. Pour l’heure uniquement autorisés à renouveler la prescription d’une APA aux patients éligibles, les kinésithérapeutes doivent pouvoir prescrire cet acte de prévention, estime le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (plus d’information ici).
Témoignage
“Redonner l’envie du mouvement”
Caroline Buhler, kinésithérapeute intervenant à l’EHPAD de la Sainte-Famille à Montigny-lès- Metz.
Diplômée en 2008 de l’école de Nancy, j’exerce en cabinet de groupe à Montigny-lès-Metz. J’ai commencé à développer mon activité sport santé en suivant les cours de l’Ecole du Dos Mail14 avec une collègue, pour mettre en œuvre de la gymnastique préventive dans le cadre de la prévention des lombalgies chroniques, et en intégrant Moselle Mouv’ il y a un an. Un coordinateur de l’association m’a contactée pour mettre en place des séances d’APA à l’EHPAD de la Sainte-Famille. J’y exerce déjà, j’ai des patients dans cet EHPAD, je connais l’équipe et cela va dans le sens de mes convictions d’agir pour maintenir l’autonomie des personnes le plus longtemps possible.
L’équipe soignante de l’EHPAD a sélectionné une dizaine de résidents avec des capacités motrices, le médecin coordinateur a fait une prescription et je vais commencer un cours d’APA mi-novembre. L’équipe a trouvé un créneau hebdomadaire de 45 minutes, une salle et du matériel (parcours de marche, pédalier, ballons..). Moselle Mouv’ va me rémunérer à la séance, pour dix séances pour le moment, puis une évaluation sera faite. Nous verrons si les patients en tirent un bénéfice en termes de plaisir, de mouvement retrouvé, de confiance dans leur corps, de capacités. L’objectif est de leur redonner l’envie du mouvement.
Moselle Mouv’ a été créée afin de promouvoir l’activité physique à tous les âges, aussi bien dans les écoles que dans les EHPAD, de rendre le sport accessible à tout le monde tout en gardant un encadrement médical. L’activité physique est bénéfique pour tout le monde, à tous les niveaux. Une pratique au moins hebdomadaire procure tout de suite des bénéfices et permet de faire enfin de la prévention, selon les cas de la prévention primaire, secondaire ou tertiaire.
A la croisée des domaines médical et sportif, les kinésithérapeutes ont toute leur place pour encadrer l’APA. Le sport santé est l’un de nos champs de compétence qu’il me tient à cœur de continuer de développer. Et puis, les patients sont beaucoup plus rassurés quand ils ont un professionnel de santé face à eux.
Témoignage
“Valoriser les personnes, créer un rituel autour du sport adapté”
Kévin Aldini, kinésithérapeute intervenant à l’EHPAD Saint-Joseph à Jouy-aux-Arches.
Kinésithérapeute libéral depuis presque vingt ans, j’exerce dans un cabinet à 15 kilomètres de Metz et à domicile. En tant qu’adhérent de Moselle Mouv’, je fais depuis 2020 des consultations d’activité physique adaptée, sur prescription médicale pour des patients en ALD. Après un bilan pour évaluer les capacités du patient, ses antécédents et s’il a des pathologies en cours, j’établis un plan d’exercices adapté à ses capacités, souvent sur une base de dix séances au cabinet, dans la salle de rééducation équipée du matériel nécessaire.
Comme j’intervenais déjà à l’EHPAD Saint-Joseph pour des soins, c’est tout naturellement que Moselle Mouv’ m’a proposé d’intégrer le projet d’APA au sein de l’EHPAD. Les séances d’APA hebdomadaires ont commencé en octobre, nous en sommes au début. Les patients ont été sélectionnés par l’équipe médicale de la maison de retraite, avec comme critère principal de pouvoir participer sur le plan cognitif à des séances collectives. L’âge moyen reflète celui de l’ensemble des résidents, environ 80 ans. L’objectif principal de ces séances est la préservation de leur autonomie pour se déplacer, pour continuer d’effectuer les transferts lit-fauteuil-toilettes, pour éviter les positions alitées ou assises de manière prolongée, bref pour éviter la dépendance. Ces séances sont douces, chacun fait en fonction de ses capacités. Outre la préservation de la masse musculaire et de la mobilité articulaire, je m’attache aussi à faire travailler la mémoire, la coordination, l’équilibre.
Une première bonne surprise est l’émulation que provoque ce projet. Au début, les résidents étaient réticents à l’idée d’une séance en groupe, compte tenu de leurs pathologies et de leurs douleurs. Mais à la fin de la première séance, ils étaient contents d’avoir participé et que leurs capacités soient stimulées. Je vois qu’ils sont fiers et qu’ils ont envie de recommencer dans leur façon de me dire “à vendredi prochain !”. Valoriser les personnes, créer un rituel autour du sport adapté, c’est important.
Après dix séances, avec le médecin coordinateur, l’ergothérapeute qui participe également aux séances et toute l’équipe de l’EHPAD, on fera un premier état des lieux de l’impact de l’APA sur les résidents, sur les plans physique et cognitif. Et on prolongera l’expérience si c’est positif. Je l’espère vivement car ce type d’intervention directe, dans le champ de la prévention, est bénéfique pour le patient.
Le sport fait partie intégrante, rappelons-le, du champ de compétences du kinésithérapeute. Lorsqu’il exerce en milieu sportif bien sûr, où il “est habilité à participer à l’établissement des bilans d’aptitude aux activités physiques et sportives et au suivi de l’entraînement et des compétitions” (article R4321-11 du code de la santé publique). Mais également lorsqu’il intervient auprès de la population générale : il peut participer à la pratique de “la gymnastique hygiénique, d’entretien ou préventive” (article R4321-13) et mettre en œuvre “la gymnastique médicale” (article R4321-4) c’est-à-dire la réalisation et la surveillance des actes à visée de rééducation neuromusculaire, corrective ou compensatrice, effectués dans un but thérapeutique ou préventif afin d’éviter la survenue ou l’aggravation d’une affection.
Alors que l’activité physique et sportive régulière est reconnue comme un déterminant majeur de l’état de santé des individus et des populations à tous les âges de la vie, le kinésithérapeute, seul professionnel de santé à être également professionnel du sport, a un rôle privilégié et de première ligne dans la dispensation des activités physiques adaptées.
Liens
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- La kinésithérapie et l’activité physique adaptée, une équipe gagnante
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- Retrouvez ci-après les modalités d’intervention pour les MK en EHPAD
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- Patient en ALD : APA et bilan kiné dans le parcours de soin
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- Avis du Haut conseil de la santé publique sur la reprise d’une activité physique adaptée des personnes atteintes de maladies chroniques et des personnes âgées
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- Notice de mise en œuvre de l’Activité physique adaptée