Activité Physique et stratégie préventive face à la COVID-19.
Nous partageons aujourd’hui cette tribune écrite par Alexandre KUBICKI, Président de la commission scientifique de la Société Française de Physiothérapie et Nicolas PINSAULT, Président du conseil scientifique du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
À travers elle, il s’agit d’évoquer l’importance de l’activité physique et de la promouvoir, ce en dépit des mesures sanitaires qui peuvent parfois amener les individus et notamment les plus vulnérables à une grande sédentarité.
Or, l’activité physique est une part essentielle de tout ce que nous appelons “hygiène de vie” qui contribue non seulement à prévenir les maladies chroniques mais aussi les troubles psychologiques comme la dépression ou l’anxiété.
Afin d’allier contraintes sanitaires et (re-) mise en mouvement , les kinésithérapeutes apparaissent comme des alliés essentiels. Il est crucial de structurer l’offre, de promouvoir la prescription médicale de l’activité physique et de permettre aux kinésithérapeutes de prescrire des séances d’activité physique. Allier hygiène de vie et mesures sanitaires est possible : reste à s’en donner les moyens.
La politique gouvernementale face à la pandémie que nous traversons est régulièrement argumentée en faisant référence aux avis du conseil scientifique. Celui-ci est animé d’un débat constructif, dans le cadre d’une approche collégiale des défis que pose cette pandémie. L’approche médicamenteuse curative du SARS-CoV2 est limitée, à ce stade, par l’absence de molécules efficaces. Comme on le voit pour d’autres maladies infectieuses, comme la grippe, la méthode est en grande partie préventive et repose en premier lieu à l’échelle individuelle sur le respect des règles d’hygiène, des gestes barrières et de la distanciation physique. A l’échelle collective, la stratégie de rupture des chaines de contaminations par l’imposition de contraintes inédites dans les libertés de circulation de chacun a été retenue en France. Depuis l’arrivée de vaccins en décembre 2020, l’approche préventive est renforcée par une politique vaccinale qui apportera probablement un soulagement et peut-être une issue à cette crise.
Loin de nous, l’idée de critiquer abusivement les décisions prises dans ce contexte où les décideurs sont mis à l’épreuve. D’autant que comme nous l’écrivions déjà lors du début de la crise, les questions de santé publique sont complexes et multiparamétrées : elles contiennent de la science budgétaire, de l’infectiologie, des statistiques bayésiennes, de la protection sociale, de la politique, de la philosophie morale…(1) Réjouissons-nous, donc, que dans l’option choisie, la politique préventive (confinements, rupture des chaines de contamination, vaccination) occupe une place importante. La question est finalement de savoir si elle ne doit pas être complétée. Il semble en effet utile de mettre en lumière d’autres moyens de protection contre ce virus, trop peu avancés et médiatisés jusqu’ici et parfois même empêchés par certaines décisions gouvernementales pour des raisons pourtant annoncées comme sanitaires.
En effet, il est démontré qu’il est possible de renforcer l’organisme humain par des actions non médicamenteuses et non-vaccinales. Ces moyens sont multiples et s’inscrivent dans un ensemble connu sous le terme d’« hygiène de vie », dont l’un des principaux piliers est l’activité physique. L’activité physique devrait être au cœur de cette crise car elle est à la fois un moyen efficace pour renforcer notre résistance aux agressions extérieures et un formidable vecteur de bonne santé mentale.
L’activité physique prévient efficacement l’obésité (2), ce qui semble primordial dans la lutte contre le développement de formes graves de la COVID-19. S’il est vrai que l’on ne devient pas obèse en un an de confinement, les habitudes que ce dernier impose pourraient à long terme conduire à une plus grande sédentarité. Or cette dernière, définie par l’adoption d’une position assise prolongée, est un facteur de risque de développement d’une obésité (3) mais également de nombreuses comorbidités (4).
L’activité prévient efficacement la survenue des maladies cardio-vasculaires ou leurs récidives (5), et également la plupart des cancers (6).
De plus, dans un contexte ou la protection des personnes âgées les plus vulnérables est pleinement assumée, rappelons que l’activité physique prévient de nombreuses maladies liées à l’âge. Elle est efficace en prévention des maladies neurodégénératives (7), de l’ostéoporose (8) ou encore de la sarcopénie (9).
Enfin, l’activité physique est un vecteur important de santé mentale (10,11), notamment chez les adolescents et les jeunes adultes dont la souffrance est largement mise en évidence au cours de cette crise.
Notre message est simple : il est nécessaire de promouvoir l’activité physique pour tous les Français, en particulier pendant cette crise inédite. Cette activité physique peut se faire dans des conditions sanitaires satisfaisantes, accompagnée ou non. La communication actuelle du gouvernement vise à rendre les populations prudentes pour favoriser la distanciation physique reconnue comme efficace pour limiter la propagation du virus. Cependant, cette distanciation physique ne devrait pas être assimilée à une distanciation sociale ou un repli sur soi isolationniste et le terme confinement ne devrait pas être associé à celui d’immobilité ou de sédentarité. Les conséquences de l’isolement massif que subissent les populations fragiles sont déjà inquiétantes en termes de santé mentale et physique (4). Sans remettre en cause la nécessaire distance physique entre les personnes, il est urgent de communiquer sur le retour d’une hygiène de vie intégrant les volets des interactions sociales, de l’alimentation et de l’activité physique.
Sur ce volet de l’activité physique, il faut structurer l’offre. Le médecin peut, depuis 2016, prescrire de l’activité physique dans le cadre restreint des maladies chroniques (article 144 de la loi no 2016-41 puis décret n° 2016-1990 du 30 décembre 2016). De leur propre aveu, cette compétence n’est pas maîtrisée par le plus grand nombre d’entre eux (12). Les kinésithérapeutes sont prêts à contribuer activement et à assumer cette mission. Leur analyse argumentée scientifiquement leur permettra de prescrire cette activité physique de manière pertinente. Cette prescription devrait être possible par les kinésithérapeutes en prévention secondaire sans condition limitative d’une maladie chronique. Les kinésithérapeutes sont prêts à travailler main dans la main à la mise en œuvre des séances d’activité physique avec des enseignants en activité physique adapté (13). Cependant, il est nécessaire, dans une période où la santé de la population est aussi menacée, de lever les verrous réglementaires et débloquer les moyens financiers qui rendront opérative et efficace cette prescription d’activité physique par les kinésithérapeutes.
Alexandre KUBICKI, Président de la commission scientifique de la Société Française de Physiothérapie et Nicolas PINSAULT, Président du conseil scientifique du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
Bibliographie
- Monvoisin, R ; Pinsault N. Donne nous aujourd’hui notre soin covidien. Le virus de la recherche saison 1. PUG. avr 2020;
- Flynn M a. T, McNeil DA, Maloff B, Mutasingwa D, Wu M, Ford C, et al. Reducing obesity and related chronic disease risk in children and youth: a synthesis of evidence with « best practice » recommendations. Obes Rev Off J Int Assoc Study Obes. févr 2006;7 Suppl 1:7‑66.
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- Humblot D, Brin É. Le dispositif français d’activité physique adaptée – applicabilité par le masseur-kinésithérapeute. Kinésithérapie Rev [Internet]. janv 2021 [cité 28 janv 2021] ;
Disponible sur : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1779012320304034?via%3Dihub