Les douleurs aux cervicales sont un motif fréquent de consultation chez le médecin et de séances de rééducation en kinésithérapie.
Faisons le point sur ces cervicalgies et quelques idées reçues qu’elles transportent avec elles.
Les douleurs au cou sont toujours liées à une hernie discale ou à de l’arthrose : FAUX
Il est très important de comprendre que la douleur n’est pas systématiquement liée à une lésion tissulaire, ce qui est notamment le cas dans les douleurs persistantes.
L’approche bio-psycho-sociale permet de distinguer plusieurs facteurs, autres que les facteurs biomédicaux (somatiques) : les facteurs cognitifs et les perceptions, les facteurs émotionnels, sociaux, comportementaux et même les aspects motivationnels.
Des professionnels de santé formés peuvent proposer des pistes d’évaluation et de traitement tenant compte de ces différentes composantes, c’est le cas des kinésithérapeutes 1.
Concernant les douleurs cervicales, les facteurs psychosociaux (perception des « tensions musculaires », état dépressif, conflits…) ont été significativement identifiés comme Facteurs de risque forts (vs facteurs physiques.) 2.
Concernant la douleur, on pourra se référer au site de l’IASP International Association for the Study of Pain (IASP) qui a proposé en Août 2019 la définition de la douleur suivante :
« Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable généralement causée par, ou ressemblant à celle causée par, une lésion tissulaire réelle ou potentielle ».
Le point intéressant dans la définition est celui de l’expérience négative, du point de vue sensoriel et émotionnel, qui peut être causée par une lésion tissulaire réelle ou potentielle (donc, absente, ou perçue comme telle).
Déconstruire les croyances concernant la douleur et ses prises en charge est donc fondamental.
En cas de cervicalgie, il faut absolument s’arrêter de bouger : faux
Ce point est fondamental. C’est peut-être le message le plus important à faire passer.
Le maintien du mouvement et d’une activité physique font partie des recommandations actuelles. Les bénéfices sont immenses, de l’activation à l’oxygénation des tissus musculaires et conjonctifs, mais aussi à une possibilisation de désensibilisation à certains phénomènes douloureux lorsque l’activité est graduelle et bien dosée.
Il existe de nombreux “leviers” (progressivité, motivation, aspect ludique…) pour progresser. Un professionnel de santé correctement formé saura vous guider à travers ces différentes étapes.
Les bénéfices se font également au niveau des facteurs psychosociaux, sur l’estime de soi, et ces paramètres sont essentiels dans la prise en charge raisonnée de la douleur. L’activité physique n’a également pas nécessairement besoin d’être très spécifique à la problématique cervicale pour avoir des effets bénéfices propres !
Alors : bougez bougez, continuez avec des activités qui vous motivent et vous font plaisir ! “La bonne posture, c’est la prochaine !” Variez les positions ! 3
Les cervicalgies sont toujours causées par une mauvaise position : PAS SÛR 4
La problématique de la posture est débattue depuis très longtemps et les études sur ce sujet sont légion en ce qui concerne les lombalgies.
La région cervicale ne déroge pas à la règle : si les exercices actifs semblent pouvoir modifier l’angle crânio-cervical et soulager les douleurs cervicales, il n’existe pas de preuve forte sur le fait que le changement de posture améliore spécifiquement la douleur cervicale. En effet, la corrélation sur l’amélioration de la douleur ne porte pas sur le changement postural : ainsi, sur les céphalées cervicogéniques, les améliorations sont décrites suite aux exercices sans changement de la position de protraction de la tête.
De plus, il existe aussi des postures en protraction de la tête chez les sujets symptomatiques et non-symptomatiques, la littérature ayant mis en évidence que la posture n’était pas corrélée avec les performances musculaires des muscles du cou.
En d’autres termes, s’il existe bien évidemment des déviations orthopédiques importantes nécessitant une prise en charge, la posture, les positions asymétriques légères (notamment dans le cadre des douleurs persistantes) ne doivent pas constituer un motif d’inquiétude ; nous possédons tous des asymétries constitutionnelles ou acquises, et notre corps est assez fort pour gérer ces asymétries !
Porter un collier cervical est nécessaire : FAUX
Il existe des cas ou le port d’un collier cervical est indispensable (dans le cas d’une immobilisation pour fracture, par exemple), parfois utile de façon temporaire (certaines atteintes post-traumatiques ou favoriser un sommeil déficient influençant négativement la douleur) mais de manière générale, dans les douleurs cervicales, le port d’un collier cervical devrait être limité dans le temps (24h à 48h dans les atteintes aiguës) et évité dans les douleurs persistantes !
Pour les mêmes raisons que citées précédemment, les effets négatifs et risques fonctionnels sont importants : la sous-utilisation des structures musculo-squelettiques est néfaste pour la gestion de la douleur à plus long terme, puisque l’exposition graduelle à certains types de stimuli physiques (mises en tension, activité musculaire…) sera déficiente, entrant alors dans un cercle vicieux entre la douleur réveillée par une activité musculaire et la sous-utilisation de ces muscles. De plus, le risque de dépendance psychologique à cette immobilisation est réel, donnant une fausse impression de “fragilité” de la colonne cervicale, même s’il n’y a plus d’atteinte ou de lésion tissulaire ! Votre professionnel de santé peut vous aider à progressivement vous “sevrer” de ce collier cervical dans ce cadre, et à retrouver de la confiance en votre colonne cervicale !
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1 Wijma AJ, van Wilgen CP, Meeus M, Nijs J. Clinical biopsychosocial physiotherapy assessment of patients with chronic pain: The first step in pain neuroscience education. Physiother Theory Pract. 2016 Jul;32(5):368-84.
2 Kim, R., Wiest, C., Clark, K., Cook, C., & Horn, M. (2018). Identifying risk factors for first-episode neck pain: A systematic review. Musculoskeletal Science and Practice, 33, 77–83. doi:10.1016/j.msksp.2017.11.007.
3 Davis, K. G., & Kotowski, S. E. (2014). Postural variability: An effective way to reduce musculoskeletal discomfort in office work. Human Factors, 56(7), 1249–1261.
4 Sheikhhoseini, R., Shahrbanian, S., Sayyadi, P., & O’Sullivan, K. (2018). Effectiveness of Therapeutic Exercise on Forward Head Posture: A Systematic Review and Meta-analysis. Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics. doi:10.1016/j.jmpt.2018.02.002.
Ghamkhar L, Kahlaee AH. Is forward head posture relevant to cervical muscles performance and neck pain? A case-control study. Braz J Phys Ther 2019;23:346–54. doi:10.1016/j.bjpt.2018.08.007.
Pacheco J, Raimundo J, Santos F, et al. Forward head posture is associated with pressure pain threshold and neck pain duration in university students with subclinical neck pain. Somatosens Mot Res 2018;35:103–8. doi:10.1080/08990220.2018.1475352