Attention à la désinformation.
Les nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge du premier épisode de bronchiolite du nourrisson de moins d’un an ont été publiées le 14 novembre dernier. À lire un grand nombre d’articles de presse, on pourrait être prompts à penser que la kinésithérapie n’a plus sa place dans la prise en charge de cette maladie virale infantile courante et qu’elle pourrait même être délétère. Or, il convient de lire ces recommandations avec la plus grande attention pour ne pas leur faire dire ce qu’elles ne disent pas. Explications.
Qu’est-ce que la bronchiolite ? Quels sont ses symptômes ?
La bronchiolite est une infection virale aiguë et contagieuse qui touche les bronchioles (petites bronches) des enfants de moins de deux ans. Malgré des symptômes impressionnants : toux, respiration rapide et sifflante, la bronchiolite est le plus souvent une maladie bénigne.
Elle est due à un virus, le plus souvent le Virus Respiratoire Syncytial (VRS), très contagieux, qui provoque une inflammation des parois des bronchioles (les plus petites bronches) et une augmentation des sécrétions responsables d’un phénomène d’obstruction.
La bronchiolite sévit sous forme d’épidémies en automne et en hiver fréquemment chez les nourrissons de 2 à 8 mois. Chaque année en France, près de 30 % des enfants de moins de deux ans sont atteints.
La bronchiolite commence généralement par un rhume. Progressivement, une toux sèche apparait, puis survient une gêne respiratoire qui se traduit par une respiration rapide et sifflante. Il y a, en général, une fièvre. À ce stade de la maladie, l’enfant peut avoir des difficultés à s’alimenter. Les symptômes s’atténuent en quelques jours et l’enfant guérit en 8 à 10 jours, mais une toux résiduelle peut persister une quinzaine de jours avant de disparaître. Le plus souvent, la bronchiolite est bénigne mais chez certains enfants fragilisés, elle peut nécessiter une hospitalisation.
Jusqu’à présent, la kinésithérapie respiratoire était recommandée pour la prise en charge des enfants malades, afin de soulager les symptômes souvent impressionnants pour les parents et les rassurer.
La recommandation de la HAS vient semer le doute dans l’esprit des parents alors que les kinésithérapeutes ont toujours leur place dans le cadre de la prise en charge de la bronchiolite.
Quels sont les patients concernés par la recommandation de la HAS ?
Les recommandations de la HAS portent sur les nourrissons de moins de 12 mois qui présentent leur premier épisode de bronchiolite aiguë. Ceux-ci représentent une minorité des patients pris en charge en kinésithérapie de ville au sein des Réseaux Bronchiolite.
De plus, selon les experts de la HAS, la kinésithérapie respiratoire “peut se discuter” chez l’enfant fragile (par exemple, s’il est prématuré ou qu’il souffre d’une pathologie chronique…). Or la HAS pose la question de la présence d’un asthme du nourrisson dès le troisième épisode de bronchiolite (24%), et même dès le deuxième en présence d’un terrain allergique (13,6% des cas). La prise en charge de cet asthme relève des compétences des kinésithérapeutes.
Ainsi, les recommandations ne concernent donc qu’une minorité des enfants pris en charge, et indiquent que la kinésithérapie respiratoire peut se discuter pour plus du tiers d’entre eux.
En outre, si pour les 3% d’enfants hospitalisés, la kinésithérapie ne diminue pas le temps d’hospitalisation, pour les 97% des 460 000 enfants atteints de bronchiolite, le rôle du kinésithérapeute demeure essentiel.
La kinésithérapie respiratoire vraiment contre-indiquée ou non recommandée en cas de bronchiolite ?
Pour les nourrissons de moins de 12 mois qui sont affectés par une première bronchiolite, certaines techniques anglo-saxonnes (vibrations, clapping et drainage postural) sont “contre-indiquées” car elles produisent des effets néfastes. Les kinésithérapeutes français ne pratiquent plus ces techniques depuis plusieurs dizaines d’années.
En revanche, les techniques de modulation du flux expiratoire utilisées en France ne sont pas contre-indiquées mais “pas recommandées”. La raison n’est pas tant son efficacité voire sa dangerosité mais l’absence d’étude menée sur le sujet.
C’est à dire que faute de données probantes, la HAS ne tranche donc pas la question de fond, à savoir si la kinésithérapie telle que pratiquée en France est efficace ou non dans les cabinets libéraux. C’est pour cela qu’elle recommande même de mettre en place une étude “randomisée” pour notamment évaluer “son impact sur le recours hospitaliers”.
En outre, les exigences ne sont pas les mêmes pour tous : d’un côté, il s’agit de réduire le temps d’hospitalisation des bébés admis dans les services et de l’autre, d’améliorer son bien-être, son sommeil et son alimentation.
Les kinésithérapeutes, acteurs de santé publique
Au-delà de la question, non tranchée, de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire, se pose la question de l’organisation du système de santé. La mise en place de réseaux de kinésithérapeutes spécialisés dès les années 2000 a permis de réduire de manière significative le recours aux urgences et la durée d’hospitalisation des nourrissons atteints de bronchiolite.
La HAS valide d’ailleurs l’organisation en réseau des kinésithérapeutes, qui permet notamment de recevoir les parents le soir et les week-ends.
La prise en charge par le kinésithérapeute va bien plus loin que le simple drainage bronchique. Le kinésithérapeute est formé pour ausculter le bébé, assurer son suivi (saturation, fièvre, état respiratoire, prises alimentaires, hydratation) évaluer la gravité de la maladie et réorienter vers les urgences ou le médecin traitant le cas échéant. Il est en mesure de rassurer, d’accompagner les parents et de leur fournir des conseils en matière d’hygiène et de traitement. Il joue donc un rôle majeur dans l’éducation à la santé.
On ne peut dire aujourd’hui que la kinésithérapie respiratoire n’a plus de place dans la prise en charge de la bronchiolite au risque de générer de facto un recours massif aux services d’urgences de la part de parents naturellement angoissés et démunis en période épidémique au moment où un plan des urgences est mis en place par Madame Agnès Buzyn.
Mon enfant a une bronchiolite : que faire ?La bronchiolite nécessite une consultation le jour même chez le médecin, il convient de prendre rendez-vous dès les premiers symptômes ou si les symptômes s’aggravent progressivement, que la fièvre augmente et les sécrétions bronchiques sont épaisses, jaunes ou verdâtres. Il convient d’appeler le 15 si :
Si votre enfant ne présente pas de signe de gravité et en attendant la consultation, voici les gestes qui soulagent :
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En résumé, il est important de se méfier des titres choc de la presse et de bien lire ces recommandations qui ne disent à aucun moment que la kinésithérapie respiratoire telle qu’elle est réalisée en France est contre-indiquée. Faites confiance à votre médecin et à votre kinésithérapeute qui adapteront leur prise en charge en fonction de l’état de votre enfant.
Il convient également de comprendre que le rôle du kinésithérapeute est aussi celui de rassurer les parents, de leur apprendre les bonnes pratiques si leur enfant est atteint de bronchiolite et d’évaluer la situation afin, si nécessaire, de le réorienter vers le médecin traitant ou les urgences.